Les niches des inégalités – par Guy Bottinelli




La montée des inégalités fait peser une menace croissante sur la cohésion du pays. Pas un jour ne se passe sans qu’on offre au public des chiffres à faire rêver, dans nos pays où l’on déclare souhaiter une société moins inégalitaire. Chacun peut ainsi s’habituer à entendre périodiquement que l’écart des richesses va s’élargissant…

Si l’on prend en considération les 10% des plus riches (appelons-les : A) comparés aux 10% des plus pauvres (les B), on constate que le revenu des A est passé de 7 fois plus élevé que celui des B (en 1980) à 10 fois aujourd’hui. Quant au patrimoine (la fortune si l’on veut) l’écart est passé entre les A et les B de 680 fois à 920 fois.

En restant sur ce terrain, on note qu’en France,  sur 26 millions d’actifs, 22,8 millions sont des salariés dont les ¾ ont un CDI, ce qui signifie que 1/4 d’entre eux ont un statut plus ou moins précaire. Quand on parle des « travailleurs pauvres » on en trouve aussi bien parmi les « précaires » que chez les titulaires d’un CDI. Les spécialistes ont établi un seuil pour désigner le terme souvent controversé de « pauvreté » économique » : c’est  le niveau de revenu qui sépare l’ensemble des citoyens en deux parties égales (ne pas confondre avec la moyenne !). En France, cette somme (nommée : revenu médian) est d’environ 1730 euros mensuels nets pour une personne. Si elle dispose de moins de la moitié, soit 860 euros, elle est considérée comme pauvre (Une norme européenne prend pour base 60% du revenu médian, ce qui élève le seuil de pauvreté à 1.040 euros). Ces chiffres varient peu selon les organismes qui les estiment.

On ne s’étonnera pas que des chercheurs aient voulu dépasser l’étude des écarts entre les ressources matérielles, pour mettre à jour les multiples aspects des inégalités sociales ; c’est tout l’intérêt du rapport sur « les inégalités en France » publié en Juin 2015, par l » Observatoire des Inégalités » (1).

Après les revenus, plusieurs domaines sont abordés dont bien des données sont connues du grand public, c’est pourquoi je me contente d’en faire l’inventaire en  soulignant ce qui va à l’encontre des idées reçues. L’inégalité des modes de vie est résumée dans la formule de l’Abbé Pierre, citant la vie d’une femme seule avec enfants « Employée à temps partiel, mal logée à temps complet ». La comparaison entre les générations privilégie les aînés et retarde l’autonomie des jeunes (qui ne restent pas à la maison par paresse !). Le rapport consacre 15 pages pour décrire une marche trop lente vers l’égalité entre les hommes et les femmes, leur seule revanche étant leur longévité supérieure de 7 ans à celle des hommes ! Si les étrangers sont d’abord l’objet de discrimination, ils considèrent cela comme une forme d’inégalité, en n’oubliant pas que 5,3 millions d’emplois leur sont refusés (et pas seulement dans la fonction publique .. mais gérant d’un bureau de tabac par exemple). Les 140.000 SDF ne font pas tous la manche, puisque  ¼ d’entre eux ont un emploi. Inégalités entre les territoires aussi, quand il y a deux fois plus de chômeurs dans les Pyrénées Orientales (15,4 %) que dans la Mayenne (7%). Quant à l’éducation, souvent décriée comme le creuset des inégalités, en France elle coûte peu cher, comparée à des pays semblables de l’ OCDE, tout en étant une des nations où le milieu social influence le plus les résultats scolaires. Contrairement à une idée répandue, les filles ne sont pas vraiment meilleures que les garçons.

Trois remarques peuvent servir de thèmes de réflexion pour conclure ce rapide aperçu :

  • Il convient de souligner que selon les données de ce rapport, les classes sociales sont bien plus typées que ne le laissent croire certaines déclarations selon lesquelles la population française se composerait d’une masse de classes moyennes.
  • La richesse ne se satisfait pas de sa puissance économique, mais elle se transmue vite en pouvoir politique, d’où la menace que cela représente pour la démocratie
  • Protester contre les inégalités, c’est bien, mais cela suppose qu’on interroge aussi l’égalité, en ajoutant à la sociologie, une réflexion philosophique et théologique. Ce qui est une autre histoire.

–                                                                                              Guy Bottinelli    15 Septembre 2015

(1) Organisme indépendant de l’Etat.   4 Allée du Plessis  37.000 Tours               


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Cet article a été actualisé le : 25 novembre 2018

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