Oullins, cité de l’œcuménisme


Article écrit par Christian Delorme, ancien prêtre de la paroisse de Saint Martin en Janvier 2014

« Les villages et les villes, comme les familles et les hommes, ont leur identité. Ils sont porteurs, comme tout être vivant, d’histoires parfois compliquées, et ils possèdent, de ce fait, des faces lumineuses comme des faces plus obscures. Dès lors, se pose la question de ce qu’ils sont désireux de développer comme personnalité, de ce qu’ils veulent privilégier comme charismes ou qualités propres. Le 11 novembre dernier, quand nous sommes allés en sortie paroissiale au Chambon-sur-Lignon, nous avons pu découvrir que cette petite ville de Haute-Loire garde la mémoire vivante des temps sombres de l’Occupation, durant lesquels toute une partie de ses habitants, entraînée particulièrement par ses pasteurs protestants calvinistes, a choisi de protéger et de sauver plusieurs centaines de Juifs menacés dans leur existence. Cette ville, à travers ses habitants et ses édiles d’aujourd’hui, a la forte conscience que cette part de son histoire représente un trésor pour le présent et pour l’avenir, un exemple lumineux pour la marche du monde. Elle n’est pas tournée vers un passé dont elle aurait la nostalgie: elle est consciente que le souvenir de ce qui a été vécu constitue une énergie pour avancer. Dans les dépliants qui présentent la ville, celle-ci s’affiche comme « ville accueillante », voire comme « ville-refuge ». La cité, en particulier, est fière de compter un centre d’accueil pour demandeurs d’asile. La ville d’Oullins a une histoire riche à plusieurs points de vue. Autrefois fief féodal, puis lieu de villégiature des archevêques de Lyon et terre d’élection de nombreuses congrégations religieuses catholiques, elle a connu un véritable essor avec le XIXème siècle, grâce à la construction de la ligne ferroviaire Paris-Lyon-Marseille et à l’installation d’ateliers de construction de locomotives. Son entrée dans la modernité s’est faite, en particulier, sous l’impulsion de protestants liés au mouvement social progressiste des saintsimoniens ( la figure la plus remarquable étant François-Barthélemy Arlès-Dufour ). Car il se trouve que cette ville située non loin de l’Ardèche, est, dans l’agglomération lyonnaise, une de celles qui ont accueilli de nombreux migrants protestants venus de l’ancienne province du Vivarais mais aussi des Cévennes, ce qui explique l’existence d’une importante paroisse protestante d’obédience réformée.

Sans doute conscient de l’importance de cet apport protestant à la ville, et par esprit évangélique d’ouverture, le curé de Saint-Martin d’Oullins de l’après-guerre, l’abbé Gerin, eut le souci d’aider, en 1945-1946, la communauté protestante à acquérir la gentilhommière du XVIème siècle qui est devenue le centre paroissial de La Sarra Le mouvement œcuménique en était encore à ses balbutiements, mais il va heureusement se développer et conduire aux ouvertures du Concile Vatican II. A Oullins, les liens entre paroisses protestante réformée et paroisse catholique vont aller grandissant. Le pasteur Arnold Brémond, qui a fréquenté l’Abbé Paul Couturier, un des grands « apôtres » de la prière pour l’unité des chrétiens, se montrera très attaché à la fraternité œcuménique concrète tout le temps qu’il sera en responsabilité à Oullins, soit entre 1945 et 1955. Son successeur, le pasteur Metzger, continuera dans le même sens, participant, en particulier, au groupe théologique œcuménique dit « des Dombes ». Quand viendra, en 1970, le pasteur Michel Bonneville, les esprits vont s’avérer prêts pour que soit mise en place une catéchèse biblique œcuménique. Le curé d’alors, le père Daniel Vandenbergh, est tout à fait partant. Au printemps 1974, un catéchisme commun commence, avec 50 enfants catholiques et 50 enfants protestants. Un parcours de deux ans est construit et il va s’améliorer d’année en année. Quarante ans plus tard, cette catéchèse existe toujours! Une réalisation unique en France du fait de sa durée… et parmi les plus rares au monde! Alors que s’ouvre la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens, nous pouvons rendre grâce pour cette initiative. Mais il s’agit surtout de nous demander: comment la faisons-nous encore fructifier »

Christian Delorme


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Cet article a été actualisé le : 7 février 2015